Véronique Cousineau; ND, RHN
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Le mois de mai marque le mois de la maladie céliaque. Du 1er au 7 mai, nous soulignons également la semaine de la maladie mentale. Y a-t-il un lien possible à faire entre les deux?
La maladie de céliaque est une condition médicale sérieuse associée à l’ingestion de la protéine du gluten dont souffre 1 % de la population canadienne. En revanche, l’intolérance au gluten est un phénomène bien à part qui affecte jusqu’à 6% de la population. L’intolérance au gluten dite non-céliaque est une condition bien réelle qui est maintenant documentée dans les ouvrages de médecine, définissant les symptômes qu’éprouve un individu suite à l’ingestion du gluten.
Les symptômes des deux conditions peuvent être intestinaux et/ou extras intestinaux. Ainsi, quelconque système du corps peut se voir affecté par une réaction au gluten. Nous nous attardons ici au lien entre le gluten et les conditions de santé mentale.
Ce que la science nous démontre
Depuis quelques années, plusieurs études scientifiques ont combiné le domaine de la gastroentérologie à celui de la psychiatrie afin de déterminer s’il existe un lien entre le système digestif et la maladie mentale. Les résultats nous démontrent qu’il existe bel et bien un lien, et que le sujet est plus vaste qu’on puisse le croire.
Même s’il faudra poursuivre l’investigation afin de bien comprendre le rôle du gluten dans la manifestation de la maladie mentale, plusieurs recherches ont démontré que le gluten peut contribuer aux symptômes de :
- Panique, anxiété
- Dépression
- Psychose
- Schizophrénie
- Anorexie et troubles alimentaires
- Trouble du déficit de l’attention et hyperactivité
- Autisme
Dans plusieurs études, le gluten a été associé aux récidives quant aux rémissions des troubles ci-mentionnées. Les individus hospitalisés en psychiatrie qui se sont vus prescrits une diète sans gluten durant leur séjour hospitalier, ont eu en moyenne une rémission deux fois plus rapide que leurs pairs n’ayant pas reçu la diète modifiée.
Le lien entre la consommation de gluten et la schizophrénie a été étudié depuis plus de 60 ans. En effet, des données remontant jusqu’aux années 1950 ont démontré qu’il existe une corrélation directe entre l’introduction du blé transformé dans l’alimentation d’une population et le nombre de cas de schizophrénie recensés. Proportionnellement, il existe aussi une diminution des cas recensés lorsque la consommation de blé diminue. Il en est de même pour l’autisme.
Comment expliquer ce phénomène?
Chez les individus céliaques, les troubles de santé mentale sont souvent associés à des carences alimentaires importantes en raison d’une mauvaise absorption des nutriments. Cela s’explique par le dommage effectué auprès de la flore et la paroi intestinale.
En revanche, la cause n’est pas toujours aussi simple. Il existe un lien entre la réponse immunitaire produite par l’intolérance au gluten et l’équilibre de l’humeur. Certaines études s’attardent à ce phénomène en étudiant l’effet des exorphines produites par la digestion du gluten. Les exorphines sont des composés qui mimiques l’effet des endorphines (substance naturellement produite par le cerveau produisant des effets semblables à la morphine). Ces composés, une fois entrés en circulation sanguine, peuvent atteindre certaines zones du cerveau, créant un effet opioïde. Cela affecte l’équilibre des neurotransmetteurs, messagers du cerveau indispensables à la régularisation de l’humeur et la santé mentale.
La santé de la glande thyroïde pourrait également être responsable d’une partie des symptômes présentés en santé mentale. En effet, la santé de cette glande peut être grandement affectée par un processus auto-immunitaire chez un individu souffrant d’une intolérance au gluten non diagnostiquée.
Aborder la nutrition en général
La maladie de céliaque et l’intolérance au gluten peuvent se présenter de façons atypiques et sournoises; il n’est donc pas étonnant que plusieurs cas demeurent non-diagnostiqués. Il ne faut pas nécessairement s’attendre à éprouver des inconforts digestifs avant d’investiguer un possible lien entre la consommation de gluten et les symptômes psychologiques, voire psychiatriques, puisque dans le cas de l’intolérance, les symptômes se manifestent souvent à l’extérieur du tube digestif.
L’important rôle de l’alimentation demeure un aspect négligé dans le modèle médical actuel. La sensibilité au gluten reste sous investiguée lorsqu’il a trait aux facteurs contribuant aux conditions psychiatriques.
Je recommande fortement à toute personne éprouvant des troubles de santé mentale de revoir son alimentation et de retirer le gluten, ne serait-ce que de façon expérimentale. Beaucoup d’alternatives sont présentes sur le marché et il est possible de trouver des produits riches en nutriments.
Il ne faut pas oublier qu’une diète équilibrée contenant des bonnes sources de protéines, un apport en poisson (ou autre forme d’omega-3), des bons gras, des grains entiers (et si possible germés) ainsi qu’une variété de fruits et légumes, fournit à notre cerveau une base essentielle. En évitant la consommation d’aliments transformés, de sucre et d’additifs alimentaires tout en supplémentant l’alimentation d’une bonne multivitamine, les chances de développer des troubles mentaux s’amoindrissent.
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